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isolé sent bien qu'il ne pourrait à lui seul incendier un palais, piller un magasin, et, s'il
en est tenté, il résistera aisément à sa tentation. Faisant partie d'une foule, il a con-
science du pouvoir que lui donne le nombre, et il suffit de lui suggérer des idées de
meurtre et de pillage pour qu'il cède immédiatement à la tentation. L'obstacle inatten-
du sera brisé avec frénésie. Si l'organisme humain permettait la perpétuité de la
fureur, on pourrait dire que l'état normal de la foule contrariée est la fureur.
Dans l'irritabilité des foules, dans leur impulsivité et leur mobilité, ainsi que dans
tous les sentiments populaires que nous aurons à étudier, interviennent toujours les
caractères fondamentaux de la race, qui constituent le sol invariable sur lequel ger-
ment tous nos sentiments. Toutes les foules sont toujours irritables et impulsives, sans
doute, mais avec de grandes variations de degré. La différence entre une foule latine
et une foule anglo-saxonne est, par exemple, frappante. Les faits les plus récents de
notre histoire jettent une vive lueur sur ce point. Il a suffi, en 1870, de la publication
d'un simple télégramme relatant une insulte supposée faite à un ambassadeur pour
déterminer une explosion de fureur dont une guerre terrible est immédiatement sortie.
Quelques années plus tard, l'annonce télégraphique d'un insignifiant échec à Langson
provoqua une nouvelle explosion qui amena le renversement instantané du
gouvernement. Au même moment, l'échec beaucoup plus grave d'une expédition
anglaise devant Kartoum ne produisit en Angleterre qu'une émotion très faible, et
aucun ministère ne fut renversé. Les foules sont partout féminines, mais les plus
féminines de toutes sont les foules latines. Qui s'appuie sur elles peut monter très haut
Gustave Le Bon, Psychologie des foules (1895). Édition publiée par Félix Alcan, 1905. 27
et très vite, mais en côtoyant sans cesse la roche Tarpéienne et avec la certitude d'en
être précipité un jour.
§ 2. - Suggestibilité et crédulité des foules
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Nous avons dit, en définissant les foules, qu'un de leurs caractères généraux est
une suggestibilité excessive, et nous avons montré combien, dans toute agglomération
humaine, une suggestion est contagieuse ; ce qui explique l'orientation rapide des
sentiments dans un sens déterminé.
Si neutre qu'on la suppose, la foule se trouve le plus souvent dans cet état d'atten-
tion expectante qui rend la suggestion facile. La première suggestion formulée qui
surgit s'impose immédiatement par contagion à tous les cerveaux, et aussitôt l'orienta-
tion s'établit. Comme chez tous les êtres suggestionnés, l'idée qui a envahi le cerveau
tend à se transformer en acte. Qu'il s'agisse d'un palais à incendier ou d'un acte de
dévouement à accomplir, la foule s'y prête avec la même facilité. Tout dépendra de la
nature de l'excitant, et non plus, comme chez l'être isolé, des rapports existant entre
l'acte suggéré et la somme de raison qui peut être opposée à sa réalisation.
Aussi, errant toujours sur les limites de l'inconscience, subissant aisément toutes
les suggestions, ayant toute la violence de sentiments propre aux êtres qui ne peuvent
faire appel aux influences de la raison, dépourvue de tout esprit critique, la foule ne
peut qu'être d'une crédulité excessive. L'invraisemblable n'existe pas pour elle, et il
faut bien se le rappeler pour comprendre la facilité avec laquelle se créent et se pro-
pagent les légendes et les récits les plus invraisemblables 1.
La création des légendes qui circulent si aisément dans les foules n'est pas déter-
minée seulement par une crédulité complète. Elle l'est encore par les déformations
prodigieuses que subissent les événements dans l'imagination de gens assemblés.
L'événement le plus simple vu par la foule est bientôt un événement transformé. Elle
pense par images, et l'image évoquée en évoque elle-même une série d'autres n'ayant
aucun lien logique avec la première. Nous concevons aisément cet état en songeant
aux bizarres successions d'idées où nous sommes parfois conduits par l'évocation d'un
fait quelconque. La raison nous montre ce que dans ces images il y a d'incohérence,
1
Les personnes qui ont assisté au siège de Paris ont vu de nombreux exemples de cette crédulité des
foules aux choses les plus invraisemblables. Une bougie allumée à un étage supérieur était [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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